EXTRAIT
Chapitre I - Le pilleur de tombes
Miralad était un petit bourg remarquablement banal. Si banal et insignifiant, en fait, que peu savaient réellement où il se trouvait. En réalité, si quelqu’un prenait une carte du pays d’Ilderad – parfois appelé « Terre des Dragons » – et pointait son centre, il tomberait exactement sur Miralad.
Ce soir-là, les rues baignaient dans la lourde torpeur caractéristique des journées chaudes du milieu de l’été. Les dernières notes virevoltantes d’un ménestrel et de son luth sautillaient à travers la fenêtre de la Tanière du Dragon et achevaient le récit d’une épopée glanée au fil de ses voyages. Certains enfants des maisons mitoyennes faisaient sûrement semblant de dormir, mais tendaient en fait l’oreille pour ne rien rater du récit chanté que l’on pouvait aisément entendre depuis l’extérieur de l’auberge.
Mais avant que le ménestrel n’entame sa dernière note, la porte de la Tanière du Dragon s’ouvrit brutalement et fit s’envoler quelques oiseaux venus s’abreuver dans le seau laissé près du puits face à l’auberge. Un rectangle de lumière jaune s’imprima sur le sol, assombri aussitôt par l’ombre massive de deux grands hommes. Ils s’avancèrent à grands pas avec un rire gras et jetèrent quelque chose qui ressemblait à un tas de chiffons sales aussi gros qu’un sac à patates. La masse difforme s’écrasa au sol dans un bruit mou.
— Et ne t’avise pas de revenir ici, le puant ! lança un des hommes d’une voix rauque. Ou ça ne se passera pas aussi bien pour toi !
Et ils claquèrent la porte derrière eux, étouffant à nouveau le chant du ménestrel que cette interruption ne semblait pas avoir ébranlé.
Pendant quelques secondes, rien ne bougea. La rue semblait figée. À l’affût, aux aguets. Puis, lentement, dans un geste qui paraissait presque intentionnellement pesant, ce qu’on aurait pris pour un tas de haillons se redressa et laissa apparaître des jambes maigres aux genoux sales noueux. Une fois debout, il devint évident qu’il s’agissait en fait d’un homme de très petite taille, au corps frêle et au dos courbé dans l’attitude de quelqu’un qui souhaite éviter d’être remarqué. Dans un geste parfaitement inutile, il épousseta ses vêtements noirs de saleté et grogna en ajustant un bandage sur son flanc. De celui-ci s’échappait une odeur putride qui faisait retrousser les narines de quiconque s’en approchait trop près. C’était d’ailleurs son odeur qui l’avait trahi et révélé sa présence dans la taverne. Il avait plongé la main dans la poche d’un homme attablé, qui s’était alors demandé d’où venait cette puanteur et avait surpris la petite créature.
Rachtaflast soupira avec flegme. Il avait l’habitude. Il portait cette plaie au flanc depuis un peu plus d’une centaine d’années mais n’avait jamais eu l’argent pour se faire soigner. En règle générale, aucun guérisseur n’acceptait gratuitement un halfelin comme lui. Il était admis que les Dixième Grade n’étaient bienvenus nulle part dans le pays et il lui fallait donc se débrouiller autrement. Grâce à leurs habiletés particulières, les halfelins sillonnant Ilderad parvenaient parfois à se faire un peu d’argent et acceptaient les missions dangereuses auxquelles aucun humain ne souhaitait se frotter. Rachtaflast, cependant, avait trouvé bien mieux. Ses deux siècles d’expérience lui avaient appris que piller les morts était souvent bien plus lucratif – et moins hasardeux – que voler les vivants.
Aujourd’hui, toutefois, il n’avait pas été malin. Il avait un peu trop bu et avait souhaité utiliser son dernier butin pour se payer une nuit dans une auberge au lieu de dormir dehors, mais n’avait pas pu résister à la tentation lorsqu’il avait vu une chaîne d’argent dépasser de la poche d’un des grands lourdauds. Il les avait pensés trop saouls pour se rendre compte de quoi que ce soit, mais il s’était trompé. Tant pis. Il passerait encore la nuit dehors. Il savait néanmoins qu’il ne parviendrait pas à s’endormir avec cette chaleur. Après quelques minutes de réflexion, il eut une idée et se mit en route, le dos voûté, ses bras trop longs traînant le long de son corps.
Rachtaflast était arrivé à Miralad deux jours auparavant. Le bourg n’était pas connu pour ses spécialités locales, ne présentait aucun monument et n’attirait que de rares voyageurs qui ne s’y arrêtaient que brièvement. Les auberges avaient par conséquent une capacité d’accueil très limitée. Les quelques rues du bourg étaient rarement fréquentées après le coucher du soleil et le marché n’offrait que peu de victuailles. Il s’était étonné de l’étrange voile de nuages blanchâtres flottant constamment au-dessus des petites maisons aux toits pointus qui bordaient les rues terreuses : il ne faisait ni gris, ni soleil.
Au nord de Miralad, dans le quartier de la Taverne du Dragon, les maisons étaient pour la grande majorité de petites fermes toutes très proches les unes les autres, si bien que lorsqu’un cochon ou une oie fuguaient – ce que Rachtaflast avait vu arriver quelques fois – ils se retrouvaient simplement dans la ferme adjacente et étaient rendus dare-dare à leurs propriétaires légitimes.
En arrivant vers le sud du bourg plongé dans la nuit, Rachtaflast nota la présence de maisons de pierre plus cossues et plus imposantes que les petites bicoques du nord. En deux jours, il n’était pas encore venu dans cette partie du village. Ici, on voyait les bougies éclairer l’intérieur des maisons, ce qui rendait les environs plus accueillants. Rachtaflast distingua quelques bibliothèques à travers les petites ouvertures. Il n’était plus très loin de sa destination.
Un peu plus loin au sud, près du château d’un noble que les villageois appelaient Dunne, il vit enfin le cimetière du bourg et s’arrêta pour vérifier les alentours ; personne en vue. Le cimetière devait très certainement être vide à cette heure-ci… Il ne serait pas difficile de s’y glisser pour retrouver quelques objets de valeur laissés dans les tombes des défunts. Puis il s’en irait. Très vite, avant que quiconque ne se rende compte de l’état des tombes. Rachtaflast avait prévu de quitter le bourg dès le lendemain : il ne s’attardait jamais nulle part. Il ajusta à nouveau son bandage et se remit en marche. Sa blessure ne l’entravait pas. Ses capacités de halfelin lui permettaient d’en ralentir l’infection et il ne remarquait même plus l’odeur. Il savait que la chair écarlate était apparente et qu’une étrange moisissure avait commencé à se former sur une partie de la plaie, mais il lui suffisait de la rincer de temps à autre pour que celle-ci disparaisse. Ce que les autres pouvaient en penser lui importait peu.
Parvenu à l’angle de la rue qui bordait le cimetière, Rachtaflast ralentit l’allure et sentit ses longues oreilles frémir : il devait d’abord s’assurer qu’aucun garde ne rôdait dans les parages. Il retint sa respiration mais n’entendit rien. Il avança alors précautionneusement jusqu’à atteindre le mur qui empêchait l’accès au cimetière. Ses larges pieds enveloppés dans des chaussons fins se mouvaient en silence dans la nuit de plomb. Rachtaflast savait se faire discret. Il était même très bon pour cela. Silencieux comme une ombre, il agrippa les pierres et grimpa en s’aidant d’un symbole circulaire barré de deux traits verticaux qui avait été forgé sur le mur et qui lui permit une prise impeccable. Il atterrit de l’autre côté sans difficulté. De ce côté, il pouvait voir la multitude de stèles qui hérissaient le cimetière.
— Voyons voir… Pas celle-là… Celle-là non plus…
Rachtaflast serpentait le long des pierres en les observant chacune attentivement : il ne servait à rien d’ouvrir les plus sobres, elles ne contiendraient sans doute rien de précieux.
— Ah voilà, marmonna-t-il avec un sourire tordu qui dévoila ses dents jaunâtres. Excellent.
Il venait d’apercevoir des tombes sur lesquelles était gravé le signe d’un culte : ces tombes-là étaient généralement les plus intéressantes. Certains cultistes d’Ilderad croyaient fermement en une vie après la mort et enterraient par conséquent leurs défunts en les parant de leurs plus beaux atours ; à la grande satisfaction de Rachtaflast qui se faisait un plaisir d’alléger les sépultures qu’il parvenait à desceller. Il s’accroupit et posa la main sur la pierre, mais son geste se figea soudain. Quelque chose n’allait pas. Il se pencha en avant, approcha son nez pointu près de l’endroit où la lourde dalle était posée sur le soubassement et examina les traces de terre et de poussière. C’était étrange… Il marcha à quatre pattes jusqu’à la tombe d’à côté, puis une autre.
— Tiens, voilà la vermine !
Rachtaflast bondit sur ses deux jambes en un éclair. Il n’avait baissé sa garde qu’un court instant sans se rendre compte qu’il avait désormais de la compagnie.
— On nous avait bien dit qu’un halfelin vagabondait dans les parages ces jours-ci, grogna un des deux gardes qui venaient d’apparaître juste derrière lui.
Ils échangèrent un regard.
— Qu’est-ce qu’on fait ? dit l’un d’eux. On lui amène ?
— Ouais… C’est ce qu’il veut, non ?
— C’est ce que qui veut ? siffla Rachtaflast.
— Tu verras.
Rachtaflast eut alors l’impression qu’un voile noir venait soudain de lui obscurcir la vue : il comprit aussitôt qu’un troisième garde s’était faufilé derrière lui et lui avait mis un sac sur la tête.
— Lâchez-moi ! Eh !
Il se débattit, donna des coups de pieds à l’aveugle, mais c’était inutile. Les trois gardes n’eurent aucun mal à le ligoter et à le soulever avec une brutalité qui, il en était sûr, n’était pas nécessaire.
— Où m’emmenez-vous ? ne cessait-il de répéter, ce qui lui valait immanquablement un coup dans les côtes.
Ils ne lui répondaient pas et se contentaient d’éclater de rire. Après un moment, il renonça à poser des questions et se concentra sur le bruit que faisait leur ferraille au rythme de leurs pas. Le trajet ne fut pas long et dura dix minutes tout au plus. Bientôt, il entendit un « toc toc toc » sourd : ils frappaient à une porte. Il vit apparaître à travers les trous de son sac en tissu des petits points de lumière. Il y eut une secousse et la résonnance de leur armure sur le sol changea quelque peu : ils n’étaient plus à l’extérieur… Ils venaient de pénétrer dans une maison. Où l’emmenaient-ils, à la fin ?! Une porte s’ouvrit alors dans un grincement. Le corps recroquevillé dans une position grotesque et inconfortable, Rachtaflast tendit l’oreille.
— Que faites-vous ici ? dit alors quelqu’un.
— Nous venons voir Sir Rikiar Dunne.
— Vous avez vu l’heure ? Sir Rikiar est sûrement allé se coucher. Que dois-je lui annoncer ?
— Dites-lui que nous lui amenons ce qu’il a demandé. Nous l’avons surpris à piller le cimetière.
Les bruits de pas s’éloignèrent. Une main retira brusquement le sac qui recouvrait la tête de Rachtaflast en lui arrachant quelques cheveux au passage. Il cligna des yeux pour s’habituer à la lumière qui émanait des chandeliers et détailla rapidement les alentours. La vaste pièce dans laquelle ils se trouvaient était entièrement tapissée de broderies bleu et argent et une large table de bois sculpté en arborait le centre. Un imposant lustre à l’aspect tapageur pendait au-dessus de leurs têtes. Rachtaflast se demanda combien valait une seule des pierres qui le constituaient. À sa droite, contre le mur, un fauteuil bleu nuit en daim chatoyant trônait majestueusement près de la cheminée.
Une porte s’ouvrit soudain de l’autre côté de la pièce, laissant apparaître un homme brun, de grande taille, bien bâti, suivi d’une silhouette plus fluette qui annonça :
— Sir Rikiar Dunne.
— Laissez-nous, ordonna le grand homme sans un regard pour les trois gardes.
Ces derniers eurent un instant d’hésitation mais Rikiar Dunne parut comprendre. Il soupira, leur jeta trois bourses pleines et fit un geste de la main vers une autre porte. Le regard mauvais, Rachtaflast contempla les bourses qui disparurent aussitôt dans les besaces des gardes. Puis il reporta son attention sur Dunne : ce dernier s’était installé dans le grand fauteuil de daim et lui jetait un regard intrigué où se reflétaient les flammes des chandeliers. C’était un homme d’âge mur dont le corps avait conservé une impressionnante vitalité sous son pourpoint de soie bleue aux motifs complexes. Pourtant d’un certain âge, il paraissait en forme, le torse bombé, et son expression avait quelque chose d’intimidant, même pour Rachtaflast qui avait l’habitude de se sortir des situations les plus périlleuses.
— Tu es Rachtaflast ? dit-il avec un petit sourire dès qu’ils furent seuls.
Ce n’était pas vraiment une question.
— Et tu es Rikiar Dunne. C’est un jeu ?
— Attention, Dixième Grade. Du respect. Tu ne t’adresseras pas à un noble de Deuxième Grade de cette façon.
Rachtaflast se redressa légèrement.
— Mes excuses, murmura-t-il en inclinant légèrement la tête sans cesser de fixer Dunne. Allez-vous me dire ce que je fais ici ?
Dunne l’observa un instant, l’air pensif, comme s’il s’apprêtait à prendre une décision difficile et ne parvenait pas à trancher.
— Tu as dû te rendre compte que tu avais des ennuis, non ?
— Je n’ai rien fait pour…
— Tu étais en train de piller le cimetière, coupa Dunne en fronçant légèrement les sourcils.
— Pas du tout, rectifia Rachtaflast en exposant la paume de ses mains. Les gardes vous ont-ils remis un objet que j’aurais volé ? Je n’avais rien dans les mains.
— Pourquoi étais-tu là, alors ?
— Je me promenais. Vos gardes vous le diront, je n’ai forcé aucune tombe. Le cimetière est intact, je n’ai fait qu’observer les pierres tombales.
— Une promenade à cette heure-ci ? Tu penses vraiment que je vais te croire ?
— Je n’aurais pas cru quiconque capable de porter un pourpoint pareil, et pourtant nous y voilà.
— Vous n’avez jamais entendu parler des promenades nocturnes ? Vous devriez essayer, ça aide à réfléchir.
Dunne eut un rire sombre et regarda ses ongles aux doigts sertis de bagues épaisses. Rachtaflast vit la lueur dansante des bougies se refléter dans ses yeux noisette et remarqua pour la première fois qu’il avait l’air fatigué, préoccupé. Son apparente assurance l’avait d’abord trompé, mais il la voyait s’estomper petit à petit. Son visage s’assombrit et ses rides apparurent un peu plus lorsqu’il reprit :
— On m’avait dit que tu étais malin, halfelin… Mais tes galipettes ne te sortiront pas d’ici. Pas cette fois. J’ai une mission pour toi. Une mission pour le village de Perelgehad.
— Une mission ? Oh, ce n’est pas vraiment ce que je…
— Je ne te laisse pas le choix, vois-tu ? C’est un ordre, pas une proposition.
Rachtaflast fit la grimace. Un ordre ?
— Oui, poursuivit Dunne, qui semblait savoir exactement ce que pensait Rachtaflast. Tu sais très certainement que beaucoup paieraient cher pour te voir mourir. Tes ennemis sont à ta recherche… Des ennemis puissants. Tes dettes te suivent partout, halfelin… Mais accomplis cette mission et je peux t’assurer que je les effacerai toutes.
Rachtaflast soutint son regard en réfléchissant à toute vitesse. Il avait souvent perdu au jeu, récupéré l’argent de missions à moitié accomplies en détalant avant que les nobles ne se rendent compte de la supercherie, et avait pillé le cimetière de plusieurs villages lorsqu’il avait pu trouver des tombes appartenant aux cultes. C’était d’ailleurs pour cela qu’il ne restait jamais longtemps au même endroit. Ilderad était vaste, et il ne pensait pas qu’il pourrait un jour se retrouver piégé. Quel manque de bol il avait, aujourd’hui.
— Ta mission sera très simple. Nos œufs de dragon se font détruire dans les montagnes de Perelgehad. Nous soupçonnons des missionnaires d’Omphal. Ça ne serait pas la première fois que les Delpheris tentent de s’attaquer à notre source de magie.
— Je pensais que les dragons savaient se défendre et défendre leurs nids ? Vous qui vantez sans cesse leur invincibilité.
— Nous le pensions aussi… Seuls les nobles dragonniers de Deuxième Grade ou de Premier Grade peuvent les approcher en temps normal. Ils sont invincibles, c’est vrai. Mais manifestement, il se passe quelque chose. Ta mission sera de te rendre dans les montagnes, débusquer les saboteurs et m’en rapporter l’identité et la localisation. Mes hommes feront le reste.
— Vous me demandez de m’enfoncer dans les montagnes des dragons ? répéta Rachtaflast d’un air interdit.
— Et de trouver qui détruit leurs œufs, oui. Les équipes de Perelgehad te fourniront un guide.
— Vous avez à votre disposition une tripotée de dragonniers, non ? Qu’ils s’en chargent, ils passent déjà leur temps à voler au-dessus de ces bestioles pour préparer une guerre qui n’est jamais venue. Ils serviront à quelque chose, comme ça.
— Cette mission doit être accomplie dans le secret le plus total. Nos ennemis ne peuvent pas savoir. De plus, nous avons déjà envoyé des hommes en repérage, mais ils n’ont rien pu trouver d’autre que les œufs détruits. Aucune trace de nos saboteurs.
Rachtaflast secoua la tête avec vigueur et tenta de croiser les bras avant de se rappeler que ses mains étaient ligotées.
— Vous n’allez pas me faire croire que vous n’avez pas quelqu’un d’autre sous la main. Un chasseur de prime, des espions, je ne sais pas, moi…
— Je pense que tu es le mieux qualifié, Rachtaflast. J’ai entendu des choses à ton sujet. Ce que tout le monde retient, ce sont tes fourberies. Ce que je retiens, c’est ton œil vif et ta capacité à te faufiler partout sans te faire repérer.
Rachtaflast resta silencieux face aux derniers mots de Dunne, insensible à ses flatteries manifestes. C’était dangereux… Très dangereux. Il devrait traverser les montagnes des dragons. Là où se trouvaient tous leurs nids. S’il se faisait repérer par l’un d’eux, c’en serait fini de lui. Contrairement aux Grades supérieurs, il ne possédait pas le pouvoir de contrôler ces monstres. Cependant…
— Admettons que j’accepte. Vous le dites vous-même, mes ennemis sont puissants. Même si j’accepte, qu’est-ce qui vous fait dire que vous pourrez effacer mes dettes ?
Dunne sourit.
— Parce que je suis encore plus puissant.
Rachtaflast ricana à son tour, resserra son bandage avec ses deux mains encore ligotées et dit de son timbre grinçant :
— Voyez-vous ça… Dans ce cas, vous devriez plutôt vous occuper des problèmes de votre village. Je n’ai pas pillé votre cimetière, mais quelqu’un est passé avant moi.
— Pardon ?
— Je vous ai dit que j’avais observé les pierres tombales, non ? Eh bien j’ai vu quelque chose. Il y avait une ligne de terre fraîche à l’endroit où la dalle était posée sur la tombe. Elle a été bougée très récemment et je peux vous assurer que ce n’était pas moi.
Il vit les sourcils du noble se froncer imperceptiblement.
— Ça, c’est toi qui le dis, Rachtaflast. Pourquoi devrais-je te croire ?
— Parce que je ne suis pas stupide, déclara Rachtaflast en se grattant le nez avec une expression de mépris manifeste. Remettre en place une pierre tombale est inutile, ça ne ferait que me faire perdre du temps et augmenter mes chances d’être pris sur le fait. Non, les personnes qui ont fait ça voulaient être discrètes.
— Pourquoi me dis-tu tout cela ? demanda Dunne après un court silence.
— Parce que je serai bien plus utile ici qu’en mission à Perel-machin. Laissez-moi trouver qui a pillé vos tombes et on sera quittes, d’accord ?
Il eut d’abord l’impression que Dunne était prêt à accéder à sa demande, mais sa réponse fut sans appel.
— Non. Tu prendras la route pour Perelgehad aux premières lueurs du jour. Un garde te retrouvera à la sortie est de la ville, près de la fontaine. Comme je te l’ai dit, tu devras te faire extrêmement discret. Mais n’essaie pas de t’enfuir… J’ai des yeux sur tout le continent.